Grand Brassac : petit village plein de charme et de romantisme au fin fond de la Dordogne.
A mi-chemin entre Angoulême et Périgueux, il y règne un goût de bien-être et de simplicité pour tout amateur de foie gras et de calme.
En attendant, en ce week-end du 4-5 février, Pascal Jugie et son équipe, avaient, pour les 10 ans de leur Grand Brassac Hivernal Trail, préparé une épreuve de taille : un ultra en équipe, sur 24h…
Ultra en équipe, sur 24h…
Le principe est simple : une équipe de 4 (3 traileurs et 1 stratège), un parcours avec 3 points de relais de 30km en journée et une boucle en 2 points de 16km pour la nuit.
Il ne reste plus qu’à parcourir le plus de kilomètres possibles ….
Waouh, un bien beau programme !!
Etant de Lyon, je ne connais pas cette région, donc : Go, je fonce dès que Grégoire (Raidsnature.com) fait une proposition pour compléter son équipe.
Au total, quasi 50 équipes seront alignées au départ !!!
Samedi matin, gare d’Angoulême, après 6h de train, je retrouve et rencontre mes partenaires pour les prochaines 35h à venir.
Il y a le capitaine : Grégoire, plusieurs raids à son actif (Edhec, Apex Race, …), son frère : Tanguy (Edhec, Grand Brassac,…), Jean-Baptiste ou JB (rugby à haut niveau, raid SFR,…) et moi (Aventure Chablaisienne, TGV,…).
Les échanges fusent entre nous, la moitié de l’équipe ne se connait pas et comme on en a pour quelques heures dans le dur, à se supporter et s’encourager…autant que l’on soit en phase !
J’appréhendais un peu ce moment et ils sont justes au top !! Des gars extras, qui veulent aller au bout et partager cet effort dans la bonne humeur…
Après 1h de route, nous voilà au village : l’arche de départ, la tente Red Bull, un chapiteau immense nous indiquent que nous sommes au bon endroit pour en découdre avec la fatigue.
Retrait des dossards, installation dans notre box, préparation des sacs de rechange, mise en commun de nos barres, briefing et nous voilà, tout sourire, direction la ligne de départ sous un soleil splendide qui est le bienvenu car les températures ne sont pas très élevées.
La première étape : effectuer la boucle complète de 30km tous les 4.
Nous avions négocié que le stratège puisse faire la boucle avec l’équipe et nous voici à la découverte de la nature grand brassacoise…
Début assez roulant, alternant petites côtes et descentes. Tout va bien, on reste groupés et soudés.
L’arrivée au moulin de Rochereuil sera notre première surprise : il faut alterner des zigzags verticaux à l’aide de cordes pour enfin passer le check point du relais 2.
Pfff, c’est raide et court, ça brûle les cuisses !!
On serre tous les 4 les dents et on s’encourage et s’aide du mieux que l’on peut.
Ravito rapide, passage dans le moulin, pont au-dessus de la rivière, à 4 pattes dans une buse et nous voila repartis pour encore quelque passages en cordes…
Je crois qu’il va falloir faire attention cette nuit pendant nos relais…
La suite redevient plus roulante et on enchaine les sentiers sans grande difficulté.
Les paysages sont bluffants… chacun de nous y va de son adjectif pour qualifier la beauté qui nous entoure.
A tel point, que nous passerons, par 2 fois, à côté du balisage sans le voir et faisons donc un petit détour !
St Just : point relais 3, environ 20km de parcourus, il nous faut effectuer une petite boucle pour être sûr de faire 30km… et puis il y a le passage magique de la course : « le GOUFFRE ». Apparemment un lieu incontournable de ce Trail où il faudra se faire tout petit et silencieux pour ne pas réveiller les habitants ! Le tracé devient un peu plus technique mais foudroyant de beauté !
En parlant de foudroyer, Tanguy se coince légèrement la cheville. Pas top ça, mais il a l’air de tenir le choc…Passage au milieu de maisons, dans une carrière abandonnée, recouvertes de mousse et où la forêt a repris ses droits… Chaque pas me scotche par ce que je découvre et au détour d’un virage : un gars en tenue de spéléo, casque et frontale vissés sur la tête. Il nous arrête et nous jette un : « Les gars, sortez vos frontales et hop on saute dans le trou !! ». Hein ? Quoi ? Comment ?
En effet, « le GOUFFRE » est une grotte souterraine que l’on accède par une courte cheminée. Ni une, ni deux, nous voilà tous les 4, à déambuler dans le noir le plus total. Je remarque des tâches noires sur les parois… qu’est-ce donc ?! Un coup de frontale rapide et me voici en face à face avec des chauves souris en pleine sieste. Greg qui me suit a le regard plein d’étoiles aussi… c’est énorme de vivre ça en plein Trail…. Le chrono tourne mais à ce moment précis, je ne sais pas par quel miracle, mais tu t’en moques complet… On m’en aurait parlé, d’ailleurs, je pense que j’aurais demandé la définition du mot chrono !!!!
Je suis comme un gosse, émerveillé…
A la sortie, une traileuse coincée pour remonter, grogne un peu, alors je lui dis de bien tenir la corde et je la soulève, voire je la jette en l’air pour l’aider !
La sortie est un peu brutale ; rangement des frontales et nous voilà repartis direction le retour et notre box.
En chemin, une dernière surprise nous attend : 20métres dans un filet tendu au milieu du chemin…
Ce Trail est surprenant !!
On commence à évoquer la stratégie de course : qui part en premier ? des relais de 8 ou de 16km ?! Pendant ce temps le soleil semble lui vouloir se coucher et il nous offrira des couleurs dans les tons d’oranger sur la campagne de St Just qui après le passage en souterrain, est extraordinaire.
Grand Brassac, se profile et on aperçoit au loin des frontales qui s’éloignent ; le départ du 16km de nuit a été donné ! Tant mieux, ça fera un peu de compagnie à Greg, qui partira en premier vers le moulin et Tanguy fera le retour, pendant que moi je retournerai au moulin retrouver Greg. Je suis bon pour 1h30-2h de calme et repos. J’essaye de m’assoupir dans mon duvet... c’est quasi impossible, alors je reporte mon attention sur les écrans où un live est retransmis (bravo à Nexxtep pour ce chrono et ces gps).
Eh oui ! pour ce 24h, Pascal Jugie a décidé de nous offrir un suivi GPS en direct. Donc, à tout moment, tu sais où ton co-équipier et les autres équipes se trouvent. Les bénévoles sont là et s’occupent des équipes. Ils nous bichonnent, nous chouchoutent. Les cuistots idem… un vrai repas tout au long de la nuit est prêt à nous être servi !!!
J’arrive quand même à fermer les yeux et JB me réveille. « Il n’est pas loin, à ton tour gars ».
Réveil, un riz au lait, la Gore Tex Paclite et les yeux un peu collés, je file vers le passage de relais. Ouille, on est dans le négatif !! Gants, bonnet et buff, ça pique un peu sur le coup. Tanguy arrive avec quelques traileurs du petit parcours. Quelques conseils, passage du gps, félicitations et encouragements et me voilà sur les chemins. Je croise les derniers du 16 et du team trails… Frontale à bloc, direction le moulin sans me poser de questions.
Les cordes ! Yes, ça annonce les ravitos, passage sous l’arche et personne à ma rencontre.
Ils sont où mes partenaires ?
Je me demande même si je n’ai pas loupé l’info que je faisais 16 bornes !
« Greeegg !!?? », à son nom, je vois une ombre qui sort de derrière le feu et qui me regarde bizarrement « déjà ?! »
Oui, oui, j’ai eu de bonnes sensations et j’ai pu dérouler comme je voulais ! Échanges et il décolle ! Il a l’air en forme le capitaine ! JB arrive et me retrouve au coin du feu quelques minutes après. Je saute en voiture et on rentre au camp de base. Pour le coup, je suis bien sec, j’ai gazé sur cette portion et 1 passage sous la douche avant le duvet sera salvateur, je crois.
La stratégie après la dernière section de 8km, est de faire des boucles départ/arrivée à Grand Brassac. Donc, ça me laisse bien 4h de sommeil. Je tombe comme une masse ! Vers 1h30 du mat : rebelote, JB me réveille et m’annonce ma prise de relais.
Même schéma, tenue, riz au lait
et attente…
2h du mat, allez hop, je file vers le moulin ! Petite différence, on est proche des -14 degrés à l’extérieur ! Peu de peau dépasse ! J’enchaine sans croiser grand monde sur ma section, enfin si ! On joue au chat et à la souris avec un autre coureur, on se double mutuellement à plusieurs reprises, j’en souris et ça oblige à tenir la cadence ! Par contre, nous sommes sous un ciel étoilé et pas un nuage à l’horizon.
La nuit est magique
malgré le froid !!!
Le moulin : enfin, la moitié ! Ravito rapide toujours et je repars. 2-3 montées/descentes avec les cordes et mon partenaire de jeu me laisse…. J’ai une douleur au pied et je le pose difficilement au sol. Je m’accroche… je dois rentrer au village !! Je marche à fond !!! J’enrage… La féminine du team nexxtep me dépose littéralement sur place !!! S’en est trop pour moi, je me décide à courir jusqu’à l’arrivée ! Plus vite j’arrive, plus vite je m’occupe de cette douleur !!! Le terrain est sec, je penche pour une inflammation dûe aux appuis !
Enfin pour le moment,
il faut arriver !!
Dernière descente et me voilà sous la tente aux alentours de 4h du matin. Passage de relais et je file me déchausser ! Le pied est légèrement enflé, je me masse à fond et décide de dormir !!!
Il règne sous la tente, quelque chose d’indescriptible : il y a ceux qui dorment, ceux scotchés à l’écran qui suivent leurs coureurs, ceux qui sèchent leurs vêtements, ceux qui mangent… Il se passe un truc mais je m’endors en 3 secondes !! 7h, j’émerge !!! Que ce passe t’il ? En l’espace de 3h, j’ai été transporté… téléporté oui ?!
Il neige, un truc de dingue, j’ai laissé une nature gelée et je la découvre sous 10cm de neige !! L’orga prend les devants pour éviter les risques ! Le 24h se replie sur la boucle de 16km sans passage de relais au moulin et les Trails du jour sont annulés ou raccourcis.
Mon pied me faisant toujours souffrir, je décide de ne pas reprendre de relais. Greg prend ma place malgré lui (voilà un vrai capitaine)… Tanguy, complètement sec, nous raconte rapidement ce qu’il a vécu.
Le lever du soleil et la neige recouvrant tout devant ses yeux !! D’un certain point, je l’envie !! ça devait envoyer du lourd…
Greg arrivant 2h plus tard, il est temps de se concerter. Après 20h de course et compte tenu de l’état de fatigue ainsi que la route retour pour Angoulême, nous décidons d’arrêter là ! Nous faisons bien car nous mettrons 1h45 en voiture pour rentrer ! Les trains ont du retard et c’est vers 23h30 que j’arrive à Lyon, complètement éreinté !!! Ereinté mais ensorcelé par ces 2 jours au Grand Brassac.
Il y avait sur cette course un parfum de légende, une de ces courses où l’on aura une forme de fierté juvénile à dire : « Celle-là, j’y étais ».
Sans doute que dans quelques années, on n’imaginera pas courir autrement, mais on n’oubliera probablement pas que ce concept a été lancé par un week-end de grand froid dans le village du Grand Brassac en Dordogne, par un organisateur motivé, impliqué et assez visionnaire.
Merci à mon team, à Pascal Jugie et ses bénévoles.
Tout était mis en place pour être une vraie fête d’anniversaire et même les caprices de dame nature n’ont pas empêché de prendre du plaisir….
Pour sûr, en 2013, si Team Trail
il y a, comptez sur moi,
je reviendrai gambader avec vous dans le Périgord vert !!!
Compte rendu réalisé par Mickael Guillot.
Février 2012