TAWARA 2018 : Compte-rendu
La "TAWARA", pour Tarn Water Race, est une épreuve qui se court en kayak ou en stand up paddle, sur une rivière capricieuse, le Tarn. Un cordon vert qui serpente dans de superbes gorges, creusées durant 20 millions d'années, baignées de légendes, gardées par des vautours et enjambées par le géant des temps modernes, le Viaduc de Millau. A cheval entre 2 départements nature et sauvages que sont la Lozère et l'Aveyron, le Tarn traverse le Parc National des Cévennes, tangeante le parc régional des Grands Causses, partage les Causses Noir et le Causse Méjean du Causse de Sauveterre, et nous offre des paysages splendides et authentiques de falaises calcaire, d'arches, de lapiaz et rochers ruiniformes.
Les attraits de la course sont multiples, permettant une immersion dans ce milieu naturel, nous fait profiter de l'étroite vallée le long des berges abruptes, naviguer dans le merveilleux passage des Détroits, passer sous l'impressionnant et mondialement connu Viaduc de Millau, croiser de merveilleux hameaux et villages comme le village troglodyte de Peyre et surtout, vivre une vraie course nature, avec des portages sportifs.
Les courses d'endurance en stand up paddle ont la côte et les SUPer ont répondu présent puisqu'ils étaient majoritaires sur le TAWARA. Descendre une rivière sauvage sur 70 km d'eau vive, c'est un beau challenge. La population des SUPers au départ est variée, on retrouve les habitués des grandes courses, les paddlers rompus à la descente de rivières techniques, les randonneurs, ceux qui viennent se tester sur le défi et même des débutants. L'ambiance est très bon enfant, le soleil est attendu sur la journée et tout le monde à hâte de se tester sur la rivière.
La TAWARA était initialement prévue en juin mais les conditions de niveau d'eau n'avaient pas permis, à époque, de réaliser la course, qui a donc été reportée le 1er septembre.
Sur la ligne de départ, les kayaks sont sur l'eau et les paddles sur la rive, les compétiteurs en retrait sur la plage. Après un court briefing, le départ est donné et tout le monde s'élance dans l'aventure. Cette année, le niveau d'eau est bas, la quasi totalité des concurrents en planche, partent avec des ailerons très courts pour éviter de toucher. Un aileron très court permet de mieux passer mais rend les planches moins directrices, donc pas dans la meilleure configuration pour une course longue. Les planches de 14 pieds, plus directrices, sont un peu moins pénalisées que les planche de 12.6, moins rapides, plus maniables, mais moins directrices, surtout avec un aileron peu profond, obligeant à changer de bordée un peu plus souvent sur la distance.
Malgré le manque d'eau, le Tarn est très plaisant à naviguer et demande une concentration quasi constante pour lire correctement la rivière. La position debout sur les stand up permet une bonne vision vers l'avant et d'anticiper un peu les passages techniques pour choisir la bonne trajectoire. Malgré cela, les ailerons des boards touchent parfois le fond et arrêtent net la planche. C'est la chute presque à tous les coups si on a un peu de vitesse. De nombreux passages qui passent d'ordinaire debout sur la planche sont parfois, dans le doute, passés à genoux. C'est moins beau, moins fun, mais plus sûr.
Les premiers kilomètres, au fond des gorges, nous entraînent au Pas de Souci, éboulement rocheux qui ne peut se passer avec une embarcation. Là, il faut accoster et effectuer un portage de 1.4 km pour reprendre le fil de l'eau en amont. Différentes techniques de portages sont utilisées, de la plus ingénieuse à la plus simple, pour effectuer cette première transition.
Après ce portage, au village de Les Vignes, il faut passer une glissière où quelques paddlers, donc moi, y laisseront un aileron. Heureusement, tout le monde avait prévu cette éventualité et des échanges d'ailerons seront fait sur la rive, avant de passer le pont. Le stress réapparait un peu à l'approche du passage de la Sablière, classé 3, technique, demandant d'être très précis sur la trajectoire. Il y a peu d'eau mais la rivière court sur ce dénivelé, et le choix de trajectoire est encore plus restreint, il ne s'agit pas d'y laisser un aileron pour ceux qui ont déjà cramé leur joker sur la glissière en amont (!).
Quelques rapides plus tard, le village Le Rozier apparait, là où la Jonte rejoint le Tarn, là où les 2 balafres profondes des Gorges se joignent, surplombées par le Rocher de Capluc. Plus en aval, le Tarn, renforcé par la Jonte, s'élargit un peu et le relief s'aplanit, jusqu'à ce que l'on apercoive le Viaduc de Millau, qui parait tout prêt, mais notre oeil trompe notre perception car ce dernier n'a pas la notion de l'immensité de l'ouvrage. Même encore à quelques centaines de mètres, alors que l'on pense passer à l'aplomb sous peu, l'effet est encore trompeur et le plaisir à passer dans l'ombre du tablier est encore repoussé.
Mais avant le géant, il faut traverser Millau, ses ponts et son stade d'eau vive, puis « s'enquiller » 2 portages de quelques dizaines de mètres. A ce niveau, nous avons entre 5 et 6 heures de rame pour la plupart des paddlers et nous apprécions chaque accélération de courant nous portant vers l'arrivée. Puis le passage sous le Viaduc se précise, tout en se faisant attendre. Passer sous cet ouvrage, à 343 m sous le tablier de ce lien qui rejoint le Causse Rouge et le Causse du Larzac est un moment particulier. Sur plusieurs centaines de mètres, il est tentant de se retourner pour profiter encore de la vue avant de découvrir le village de Peyre, construit en flanc de falaise, face au viaduc et qui se pare de ses plus beaux atouts au soleil levant, arborant une couleur ocre qui le confond avec la falaise.
Mais la fatigue de la course se fait sentir et la hâte d'apercevoir le village de Comprégnac est bien présente et il faut rester concentré pour choisir les bonnes trajectoires et ne pas chuter. Chaque chute demande de plus en plus d'énergie au fil des heures et le temps est à l'économie, d'autant que la température de l'air se radoucit, donc prudence. Le Tarn s'élargit un peu, le niveau de l'eau n'est pas terrible et bim !! Le vent de face ralentit encore la progression, pour retarder encore l'arrivée à Comprégnac.
Après plus de 8 heures de rame et quelques portages, je distingue enfin l'arrivée. Il faut accoster et passer le porche gonflable à 50 m sur les terres. Les précédents sont là, souriants, tout le monde a l'air satisfait de sa course et on peut se raconter nos anecdotes, nos ressentis. Pierre, l'organisateur (EORA Ingénierie du sport), remet une médaille TAWARA à tous les finishers. Les belles images de la descente, imprimées dans nos mémoires, sont commentées, tout le monde est unanime sur la beauté du parcours. Le manque d'eau n'est qu'anecdotique, de toutes façons, c'est dame nature qui commande et nous n'avons qu'à nous adapter.
Amis raiders, SUPers, kayakistes, vous souhaitez passer un beau week-end ? Ne loupez pas la prochaine TAWARA, vous serez informés via le Facebook du magazine. Une belle occasion de faire un bel entraînement, ou la seconde journée pourra être consacrée au VTT ou au trek, trail, sur des parcours magnifiques et exigeants dans les Gorges ou sur les Causses. C'est d'ailleurs l'option prise pour le dimanche, où nous fûmes un petit groupe à aller arpenter les sentiers vertigineux au dessus du rapide de la Sablière, pour aller contempler le vol des vautours, qui planent sur le rocher de Cinglegros et marcher sur la grande arche de Baousse del Biel.
Vous pouvez consulter le site de la course sur https://www.tarnwaterrace.com et y trouver toutes les infos, y compris les classements. La TAWARA fait partie du Chalenge des 3 Rivières, incluant la Dordogne Intégrale et le Marathon International de l'Ardèche qui se courra cette année le 10 novembre.
Endorphinmag
Patrick Lamarre - Septembre 2018
. Copyright Photos de Drone de Dame et Cédric Gil Jimenez