Raid Amazones 2018 : compte-rendu
Voilà, on y est.
Après avoir trimé 6 mois pour boucler le budget ; après s’être entraînées séparées ou toutes les trois ensemble à courir, pédaler et pagayer, après avoir laissé les maris, les enfants, les mails, les collègues, les responsabilités…
Nous voilà, on est au Sri Lanka. Là où tout a commencé pour moi il y a 9 ans. Je faisais alors équipe avec Christelle GAUZET, qui fait désormais de sa vie des Raids et de ses Raids sa vie.
Pour notre 6ème Raid Amazones ensemble, mon équipe des Catalanes est composée de moi-même, de ma sœur Fabienne, Capitaine de Police, de Marion GUIBERT, qui travaille avec moi depuis 8 ans dans ma société d’électronique, PYRESCOM.
C’est notre parenthèse sportive enchantée.
On retrouve quelques anciennes raideuses qui sont devenues des amies. On est trop contentes d’être là et on regarde les nouvelles avec envie, elles ne savent pas que ce qui les attend va changer le reste de leur vie, elles ne savent pas encore qu’à la fin du séjour elles se seront faites des Amies pour la vie.
Cette année, on a deux objectifs : revenir entières et s’éclater.
crédit : Raid Amazones
J1 C’est parti, on a enfilé notre tee-shirt rouge, on a mis notre drapeau Catalan dans le Camelbag, on est prêtes. On essaye de masquer notre appréhension.
Top départ. 16km de trail. Ça paraît peu, il faut partir vite. Il fait chaud, l’air est étouffant d’humidité. Ma sœur est accrochée à mon sac à dos. Chacune sa discipline, je sais qu’en canoë elle me le revaudra.
Marion donne le rythme. On se demande mutuellement si ça va, et on boit beaucoup. On crie notre numéro « 106 » à chaque fois qu’on voit quelqu’un de l’orga, leurs réponses « allez les Catalanes ! » nous donnent des ailes.
On profite du paysage, des sourires des locaux qui se demandent ce qui est en train de se passer devant chez eux. On check les mains des enfants, ils sont fiers, on est heureuses.
On est pas mal.
On souffre, mais chaque pas nous rapproche un peu plus de l’arrivée.
La voilà, l’arche rouge, à portée de vue. La Libération. Arrivée. 1ères.
On repart chercher celles qui souffrent plus longtemps que nous. Celles qui, comme nous, donnent tout.
On les encourage, on les accompagne.
Et comme après chaque épreuve, dans le bus qui nous ramène, on chante, on danse, on est toutes fières d’avoir survécu à la première, parce que c’est celle-là qui nous faisait le plus peur.
Les après-midis on fait des activités, de la cuisine au cricket et passant par le tir à l’arc et un mini stage de survie. L’opportunité de gratter des minutes.
Le soir on se met à l’apéro pendant le débriefing, on sait que c’est notre sacre, notre tout premier Podium ! Alexandre Debanne nous appelle. On arrive en criant notre joie et en faisant flotter notre beau drapeau Catalan sur lequel nos sponsors sont représentés.
On a l’occasion de prendre le micro et de parler à ces 285 autres nanas de l’association que nous soutenons lors de cette 18ème édition du Raid Amazones, PADEM, qui aide les femmes battues à changer de vie. Tous les ans, nous essayons de soutenir une action solidaire dans le pays qui nous reçoit, et comme nous, beaucoup d’autres équipes soutiennent des associations, toutes nous touchent, et l’engagement de chacune est fabuleux.
C’est aussi ça le Raid des Amazones.
crédit : Raid Amazones
J2 : Canoë. C’est mon anniversaire, et comme cadeau, je suis assez déçue : Moi j’aime le canoë que les 3 premières minutes. Après tout brûle, c’est la torture.
On est équipées de nos gilets, on a nos pagaies à la main, mais on est à 800 mètres des canoës installés sur la plage. Ma mission : prendre le premier canoë. Et le mettre à l’eau le temps que mes 2 coéquipières arrivent.
Top départ. Je pars dans la masse, je n’aime pas m’imposer et avec ma rame, j’ai peur de blesser quelqu’un. Je remonte petit à petit, elles sont parties vite mais commencent à ralentir les 300 premiers mètres passés. Je vois Ghyslaine, notre amie de notre équipe de 2 « Catalanes Axurides », je me cale derrière elle. On va beaucoup plus vite que les autres, je l’encourage et la double. Premier Canoë, j’y suis. J’ai même le temps de coller mes autocollants GENERALI sur le Canoë – parce que là on doit assurer !
Fabienne et Marion arrivent, on part pour 15 km. Il y a du courant, Marion -qui est à la direction- n’arrête pas de pester, on est en deuxième position. On se rapproche, mais finalement on décroche. Les encouragements des autres amazones que l’on croise ne suffisent pas à nous relancer… même si ça fait chaud au cœur.
2 km de l’arrivée, je n’ai plus de jus. Plus rien, mes bras me font horriblement souffrir, je ne dis rien, je sais que c’est pareil pour mes 2 coéquipières. J’essaye de penser à autre chose, j’ai 35 ans aujourd’hui, j’ai peut être passé l’âge de me donner autant ?! Une autre équipe de trois nous double. 3ème c’est bien.
Allez rame ! Chaque coup nous rapproche un peu plus de l’arrivée.
Arrivées, Marion pleure, Fabienne pleure, je pleure. C’est irrémédiable, le canoë est ma bête noire.
J3 : VTT : 47 km roulant et collant, il a plu toute la nuit, boue, la gadoue.
On part dans l’ordre du classement avec nos Catalanes par 2 qui sont aussi 1eres de leur classement provisoire.
On les perd rapidement. On a un rythme de dingue, même la moto de police qui nous ouvre la route nous ralentie quand ça devient technique.
Fabienne chute, mais pas de bobo, la terre retournée de la rizière qui l’accueille fait un vrai matelas. Aujourd’hui c’est son anniversaire (nous sommes nées à 7 ans moins 1 jour d’écart) ! Super cadeau, elle est pleine de boue. On ne peut s’empêcher de rigoler… On renvoie, on ne lâche rien. On est toutes les trois surprises de la qualité des vélos Head fournis par l’organisation. Ils sont légers et confortables, si pas de problème technique, on devrait bien figurer dans le classement.
On n’a pas lancé la montre, on sait qu’on n’est pas loin, mais on ne sait pas combien de kilomètres il nous reste à parcourir, on a déjà tout donné. La puissance sur les pédales s’affaiblit.
Courage, chaque coup de pédale nous rapproche un peu plus de l’arrivée.
Arrivée. 1ères, fières.
Mais on se rend compte qu’il y a eu de la casse, des chutes, des coups de chaud. Et dans une des chutes, une wonder woman s’est fait poser un pansement provisoire sur une arcade ouverte qui lui coutera plus tard pas moins de 8 points, pour repartir et finir l’épreuve !
On est pleines d’admiration. Il n’y a pas que les meilleures au Raid Amazones qui sont des warriors. On l’est toutes, et celle-là a encore plus de mérite.
Bus.
J4 : Chasse au Trésor. Bon, ça, ça craint. Parce qu’on a toujours joué de malchance à cette épreuve. Pourtant nous sommes toutes les 3 passionnées de jeux de logique... Mais celle de Mulder est impénétrable.
Nous voilà tirées au sort avec deux autres équipes. Et là, les étoiles Catalanes étaient alignées pour cette épreuve encore, nous tombons avec des nanas formidables, ingénieures et passionnées d’escape game ! se déroule une matinée parfaite, pas trop de pression, toutes les énigmes sont résolues… on en croit pas nos oreilles lors du débriefing du soir. Notre groupe a fait le meilleur score !!!
Des minutes gagnées dans notre temps global qui consolide notre première place au classement provisoire.
crédit : Raid Amazones
J5 : Run & Bike : 1 VTT, 3 nanas, 23km. Marion et Fabienne se relaient le vélo en le posant un peu plus loin pour tenir mon rythme, 12km/h, je me dis que c’est l’allure « tranquille » mais les tensions des épreuves de la semaine se ressentent dans mes jambes et la chaleur me cloue au sol.
On finit en moins de 2h, en seconde place à 2 petites minutes des premières.
Bus.
J6 : le dernier ! 9km nous sépare de l’arrivée finale. On a une trentaine de minutes d’avance sur la seconde équipe. Départ dans l’ordre inverse du classement.
Ç’aurait pu être top de remonter les autres équipes. Mais voilà 2 jours que Fabienne lutte contre une espèce d’angine, et au réveil ce matin, on a compris qu’elle était en plein dedans. La fièvre… y a mieux pour courir sous 40°C et 70% d’humidité.
On va y aller doucement, il ne faut pas faire de malaise.
La longe qui me relie à Fabienne est en place. Je sais qu’elle va tout donner.
Départ. On traverse un village, on commence à remonter quelques équipes. Ce sont toutes nos copines. On s’encourage mutuellement.
On n’est plus dans la course, dans la recherche de la gloire. On kiffe. On prend des selfies avec certaines. C’est la dernière épreuve. Et même si nos corps souffrent, celle-là il ne nous tarde pas de la finir.
Parce que chaque pas nous rapproche un peu plus de la fin de cette édition du Raid Amazones.
Dernière partie sur la plage dans le sable. Marion aide aussi Fabienne. Elle a le mental d’une guerrière, elle va le faire.
On voit l’arche, et on distingue que les 200 derniers mètres se font dans l’eau. Excellent, Marion est heureuse. Fabienne voit la fin de son calvaire et moi je ne suis plus pressée, ce sont les dernières minutes…
Arrivée. Joie et Tristesse.
Il ne reste plus que la dernière soirée, et le podium.
Alexande Debanne nous appelle après avoir appelé les 3èmes et les 2èmes.
Nous y voilà enfin : on a gagné le raid Amazones.
Mais on a surtout gagné des moments supers avec des Femmes extraordinaires issues de tous les milieux, et qui ont toutes en commun le courage de se dépasser en gardant le respect de ses coéquipières et un grand cœur d’Amazone.
Endorphinmag
Alice Guichet, Team Les Catalanes Novembre 2018.