12. « ILS FONT LE TRAIL »

EPISODE#12-2 : LE SPEAKER – Ugo Ferrari

C’est toujours lui le 1er – au départ et à la fin. Frissonneur public, tireur de larmes ou de marrades. Ugo Ferrari pratique le speak, le mic’ ou le speaking, bref. Ugo anime le trail.
Mais il court. Mais il organise*. Mais il est champion de D+**. Alors oui, Ugo F. est un objet polymorphe. Attention, humour en approche avec ce Polygone à croix blanche, Savoyard notoire.
Pourtant, pour Speaker-Bien, il faut (un peu) aimer les autres. Or ça, Ugo n’arrivera jamais à le cacher sous sa coupe iroquoise : tessiture de grand ado, œil de gendre idéal, on le verrait même correspondant de France Bleu, animateur choucroute ou EPHAD en folie. Sympathie en boutonnière, notre Chauvin Volontaire prend le temps et speake.
Suite et fin d’une rencontre confinée, mais l’esprit rudement libre.

JG : Speaker. Quelles sont les qualités requises : beaucoup de vécu ? observer et faire comme ?
UF : Il faut aimer regarder, capturer les petits détails, on ne peut pas accueillir tous les coureurs de la même manière. Certains s’en fichent, d’autres veulent absolument s’exprimer, il faut être prêt à tout. Absolument tout. D’autre part, les week-ends ne sont jamais identiques. Et même d’une année sur l’autre, il faut constamment s’adapter, être une bête d’organisation. J’ai un emploi du temps interactif sur mon pc sur une année de travail : et bien pour un observateur non averti, il peut faire peur ! Et bien sûr, un trait de caractère (t’en douteras-tu ? : il faut aimer causer !Pour l’instant, je dirais que j’ai encore un peu de mal à répéter les choses. Je passe souvent d’une action à une autre. Il y a sans cesse des petites choses à améliorer.

JG : Quelles sont tes rencontres les plus fortes, folles, molles ? Jim Walmsley, Robert Robichoux ? Une seule règle : pas de langue de bois.
UF : « Jim », UTMB 2017, il s’arrête au ravito de St Gervais avec 2’ d’avance sur Kilian pour l’attendre. Je l’interview. Irréel. L’année d’après, je prends le départ à ses côtés et je le double pour « rigoler » quand il s’isole seul en tête. On se retrouve à Courmayeur, lui a l’article de la mort, moi euh…couci-couça. Terrassé par le froid, il stoppe à La Fouly, puis je finis 30e par là. Vivement la prochaine ! Il n’y a pas vraiment de rencontres marquantes, ou alors point trop. On prend plaisir à revoir les mêmes bénévoles, ou parfois les mêmes coureurs – même si on a oublié leurs noms, c’est fou comme l’on se souvient de leur visage.

JG : Un Covid est passé par là récemment. Quel impact sur ton activité, penses-tu à changer ?
UF : Non, aucun changement, ça a juste mis ma vie entre parenthèses pendant 2 mois. Pas de revenus, pas de charges, une nourriture très saine du coup (rires), pas de dépenses inutiles ! Je reprends là où j’en étais – ou presque. Au niveau professionnel, il faudra attendre août 2020 pour retravailler ; sportivement, on va privilégier quelques délires perso’ jusque début juillet, avant de visualiser une préparation pour l’objectif de fin de saison. Qui sera unique.


JG : Prends-tu un vrai plaisir à être en 1ère ligne lors des courses, ou est-ce frustrant ? Toi qui sais, vois, entend tout de la course…avant le public.
UF : C’était frustrant la 1ère année. Mais étant donné que je fonctionne à l’objectif, je cible 3 courses par an. Je me réserve ces 3 week-ends, et le reste du temps ça ne me gêne pas le moins du monde d’être au micro ! En général, j’arrive sur l’événement avec une bonne charge dans les pattes, donc je suis même plutôt feignant des fois ! Et c’est très fatigant d’être speaker, donc à la fin de la journée…on a pas du tout les jambes qui démangent ! Plutôt envie de faire 1h de vélo cool au bord du lac du Bourget…

JG : Faire ce métier sans charisme, mais en professionnel millimétré, est-ce possible ? L’empathie, ça s’apprend ?
UF : Sans doute…On le voit surtout à la télé, où là, il faut plaire à tout le monde. Mais c’est impossible. Ce qui est bien sur les grands événements, c’est quand on est plusieurs. Là, tu peux mettre un speaker sérieux, un autre un peu dingue, comme ça les gens ne se lassent jamais. Puis les deux se chambrent, c’est plus vivant. Mais il n’y a pas de charte. Bon évidemment, il y a des bases : ne pas rater l’arrivée des premiers parce qu’on boit un coup avec un bénévole, rappeler les heures de départ, des podiums, etc. Mais il n’y a pas un discours à réciter mot pour mot aux départs, arrivées. C’est aussi l’intérêt de ce job passion.

JG : Sportif ou mental, quel bilan tires-tu du confinement sur le circuit trail à venir ?
UF : à mon avis, aucunes conséquences globales, tout va redémarrer. Tout redémarre toujours. Certains directement, d’autres pour qui le confinement a été psychologiquement difficile, mettront plus de temps. Mais je suis convaincu que ce sera vite oublié et derrière nous. Peut-être que les salariés seront un peu plus ponctionnés…pour rembourser la dette. Mais au-delà de ça, ça devrait aller. Je reste optimiste. En revanche, pas mal de commerces auront de graves séquelles je pense. Restaurateurs, hôtels, boutiques…ou des indépendants qui se seront endettés, ou auront choisi de revenir au salariat en abandonnant leur activité. Bilan à la fin de l’automne.

*Bénévole de l’organisation de la Nivolet-Revard (Voglans, Savoie – début mai – 17 éditions), Ugo a sauté le pas en 2019, pour en reprendre la direction. Projet local et collectif toujours, la course aura malheureusement été annulée en 2020. Massif des Bauges surplombant Chambéry, de 13 à 51km…+ d’infos : https://www.nivoletrevard.fr
**Le 28 septembre 2019, Ugo Ferrari tente et améliore le record du monde de dénivelé positif parcouru en 24h : 15450m (36x 429,64m) de + et 108 km, réalisés en 23h33 sur ses pentes Revardiennes. Record déjà amélioré par d’autre(s) depuis, et régulièrement remis en jeu.

Texte Julien GILLERON – Juillet 2020
Crédit Photo : ┬®pascal rudel

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