12. « ILS FONT LE TRAIL »

EPISODE#12-1 : LE SPEAKER – Ugo Ferrari

DJ, animateur de Schmilblick, passeur d’émotion. Molécule Révélatrice de ce qui se passe en vivo. Un bon speaker, c’est la Visitation. Une allégorie. La Vérité descendant par les Hertz : La Voix. Vous avez dit Ugo Ferrari ? Momento.
Le coureur élite ? L’organisateur* ? Le recordman du monde** ? Le micro. Et oui, Ugo, c’est un quadrilatère. Correction, un RubixKub-à-forte-singularité : la course, le Bauju la connait mieux que quiconque. Ajoutez-y un don d’impro’ et cet humour instinctif, et vous obtiendrez une figure attachante du trail. Ugo Ferrari sème le cinquième degré, mais dit ce qu’il pense – ça ne plait pas toujours. Commentateur TV UTMB, ou speaker moult local, le Savoyard aurait réussi le mariage impossible : animer en parlant vrai, là où l’on pratique souvent le Culte de la Caresse (dixit).
Signe distinctif ? speake aussi dans la neige, et taille des costards qui passent comme des poèmes. Pour cette 1ère rencontre, découvrons la face bleue du polygone Ferrari, à je ne sais plus combien de côté – et c’est tant mieux.

Julien Gilleron : Compétiteur, commentateur, speaker…quelles sont tes activités actuelles (histoire d’être fiscalement clairs) ?
Ugo Ferrari : L’activité de speaker me prend une quarantaine de week-end par an. Certains dureront 3 jours, d’autres une journée unique mais dense. Certains avec de courtes nuits, d’autres me permettent de dormir…un peu plus. A côté de cela ? une préparation à la maison, la semaine ; quelques billes à placer régulièrement dans l’immobilier, et une dose massive d’entraînements !

JG : Même parcours que pour schroumpfer : pour speaker, on passe par de grandes étapes de vie ?
UF : Absolument aucune ! Un coup de tête, donc un coup de téléphone à Ludo (Collet), des essais avec lui sur de grands événements, quelques courses locales en bénévoles pour être sûr….et Feu !!! Ensuite on apprend au fur à mesure. Par exemple, la leçon N°1 (ou 3, je ne sais plus) : ne pas hurler dans le micro à outrance lorsqu’il fait frais et/ou humide ; on peut passer une très vilaine journée derrière. Je t’expliquerai…

JG : Animer, est-ce une reconversion quand la compétition diminue peu à peu ? on le décide enfant ? on regarde Holtz ou Interville ? Pire : disc-jockey raté ?
UF : Je ne sais pas, l’idée m’est venue comme ça. Je peux juste dire que j’ai toujours regardé le sport à la télé depuis tout petit. Avec de 6 à 14 ans, des journées du dimanche composées comme suit : Ski slalom 1ère manche, petit déjeuner, ski slalom 2e manche, déjeuner, Grand Prix F1. Ensuite tu atteins le Tennis, grande époque. Puis le vélo au fil de l’année…Et bis repetita. Ce n’est pas un métier qu’on fait parce qu’il faut le faire. On le pratique parce qu’on veut le faire : activité « spéciale » et plus difficilement perceptible par ton entourage cartésien...(que je suis pourtant moi-même !)

JG : Comment vendrais-tu ton rôle ? Pourquoi peut-il être indispensable ? Une faveur : épargne-nous le « catalyseur utile d’émotions » sauf si c’est vrai.
UF : Achetez-moi. Et cher, si possible. (long….rire). Plus sérieusement : c’est indispensable car c’est cela qui rythme la journée. Pour ceux qui regardent le vélo à la télé, entre le punch de Jacky Durand, son espièglerie, et la mollesse de certains sur FR2 (plus maintenant car ils ont mis Alex Pasteur, un killer), il y a une différence ! Sur le trail, et encore plus l’ultra, le coureur vient en tenue de combat : c’est la guerre. La sienne. Il est là pour un défi personnel, la récolte d’une année de labeur, et la météo va sans doute corser l’affaire.
Imagine, on lui dit juste « Go. C’est parti » avec un petit coup de sifflet : on détruit tout l’aspect romanesque du chevalier qui part en campagne, ne reviendra que dans 1 voire 2 jours…et en plus, injoignable pendant des heures ! Bref, choses et folklore impensables en 2020. Il a besoin qu’on le transporte, qu’on mette des mots sur la violence de ses actes, sur la passion qui le dévore et le pousse à trotter 100 miles au fond d’une montagne hostile. Mais belle.
Évidement il n’y a pas que le Speaker qui contribue à la beauté de la chose. Un bon sonorisateur ajoute du cachet, un chrono sans faille, du balisage correct (ni trop ni pas assez, comme le poivre)...etc. Le speaker et son micro ne sont qu’une paille, un petit chef (d’orchestre) autour duquel vit un monde ! Sans ses musiciens, il n’est rien ; et sans lui, ses musiciens ne sont pas mis en valeur.

JG : Ces 5 dernières années, on t’a vu prendre une place de plus en plus nette. Positive, plutôt bien accueillie, pas ecrabouilleuse. Le sens-tu, et l’expliques-tu ?
UF : Restons humble, quand même. Je partage ton ressenti, mais en tâchant surtout de rester lucide, le nombrilisme peut guetter. Je dirais que le chemin se fait peu à peu, naturellement : pas de gros secret, je fais toujours la même chose sans m’éparpiller. J’essaie de privilégier la constance, dans la passion. Donc je progresse sans cesse dans tous les domaines – comme tant d’autres. Physiquement, au travail, etc.
Je retourne chaque année sur les mêmes organisations, et c’est un plaisir quand on me dit que ceci ou cela s’est mieux passé, etc. C’est quelque chose que l’on oublie beaucoup aujourd’hui où tout doit aller vite ; chaque fait, positif ou négatif, doit avoir une explication logique. Pour être bon, je le redis, pas de miracle : il faut faire, refaire, re-refaire…
Ensuite, au-delà de ça, j’ai la chance de vivre pleinement le trail, puisque les week-ends j’anime les courses ; la semaine je m’entraîne (souvent avec des amis), je voyage beaucoup en France, où je prends toujours le temps de rester un peu avant, un peu après les dates. Il est donc rare qu’un détail m’échappe. Aussi bien sur l’élite, que pour le pote qui va finir 241ème, ce qui étonne parfois !

JG : Faudrait-il mieux encadrer cette profession ? incluant dérives/excès ou ambitions déçues…
UF : Non, je trouve que c’est très bien comme ça. Sans doute un peu de travail au noir, à droite à gauche…mais comme dans n’importe quel métier « terrain ». Parfois peut-être, certains organisateurs rechignent à payer le juste prix, on peut les comprendre, certains staffs sont un peu justes – mais mon expérience tend à me prouver que cela reste rare, malgré la croyance répandue. Mais certaines petites attentions font souvent pencher la balance, et beaucoup d’organisateurs les pratiquent tout naturellement. Le budget ou le chiffre sont faibles, ok, mais un hôtel sympa la veille, un bon restaurant, etc…Le french Savoir-Vivre, ou une sympathie d’accueil que l’on ne sent pas du tout forcée : la majorité sait vraiment recevoir. Même trop bien, peut-être ! Je ne pourrai pas ne pas évoquer Lionel Paris, organisateur de l’Event Trail Royat, fin octobre du côté de Clermont-Ferrand, qui place ses prestataires dans les suites de l’Hôtel Mercure surplombant la place de Jaude. J’ai quelques autres bonnes anecdotes comme ça…

*Bénévole de l’organisation de la Nivolet-Revard (Voglans, Savoie – début mai – 17 éditions), Ugo a sauté le pas en 2019, pour en reprendre la direction. Projet local et collectif toujours, la course aura malheureusement été annulée en 2020. Massif des Bauges surplombant Chambéry, de 13 à 51km…+ d’infos : https://www.nivoletrevard.fr
**Le 28 septembre 2019, Ugo Ferrari tente et améliore le record du monde de dénivelé positif parcouru en 24h : 15450m (36x 429,64m) de + et 108 km, réalisés en 23h33 sur ses pentes Revardiennes.

Texte Julien GILLERON – Juillet 2020

Crédit photo ┬®organisation Argentrail
Diff EM Oct20


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